Par Pierre

13 juillet 2015

La vérité sur les films et séries en version originale

J’entends souvent la phrase suivante, généralement prononcée sur un ton nonchalant : « j’ai appris l’anglais en regardant des films et séries en VO. » Les supports audiovisuels en version originale sont un excellent outil pour apprendre les langues, encore faut-il les utiliser correctement. Cet article vous aidera donc à les intégrer de manière efficace dans votre programme d’apprentissage. Il s’attachera aussi à dissiper certaines idées fausses sur l’effet des films et séries télévisées en langues étrangères.

Les films et séries en VO, un excellent support pour apprendre les langues étrangères

Doublage ou sous-titres : l’éternel débat

Je ne rentrerai pas dans le débat purement cinématographique qui oppose doublage et sous-titrage. Je considère que chacun est libre d’aimer l’une ou l’autre de ces pratiques, qui représentent dans un cas comme dans l’autre un compromis vis-à-vis de l’œuvre, en version originale et sans sous-titres. Jean Renoir considérait le doublage comme « une infamie », Frederico Fellini l’utilisait même pour ses acteurs italiens ! A chacun son école, en somme.
Je n’aime pas non plus le snobisme dont font preuve certains partisans de la VO vis-à-vis de la VF et de ses adeptes. Le doublage est une belle discipline, qui demande du travail et du talent, donc cessez de la dénigrer. Il fallait que ce soit dit, nous pouvons à présent passer à la suite.

Pourquoi vous devriez adopter la VO

Quelles que soient vos préférences, je vous recommande cependant d’opter pour les films et séries télévisées en version originale, au moins dans la langue que vous apprenez. Les bénéfices sont multiples et vous auriez tort de vous en priver.
Je passerai rapidement sur les avantages purement artistiques : la VO vous donne la possibilité d’entendre les véritables voix des acteurs, vous épargne la sensation étrange d’entendre les mêmes doubleurs pour plusieurs acteurs différents d’un film à l’autre, etc.

Ensuite, le métrage dans la langue cible offre un intérêt évident : l’immersion sans effort. S’exercer tout en regardant la télé, plutôt agréable, non ? En regardant régulièrement de tels contenus, vous garderez un contact permanent avec la langue orale, ce qui est une excellente chose.
C’est pour vous l’occasion d’entendre la langue parlée dans divers contextes, avec des accents et des intonations très variés, en tout cas beaucoup plus que dans une méthode de langues.

Une immersion linguistique, mais aussi culturelle

Plus largement, les films et séries en VO vous donnent accès à la culture du pays, ou du moins un pan de cette culture, sans passer par le prisme déformant de la traduction. En effet, le doublage a tendance à modifier certaines blagues, références culturelles et accents locaux présents dans le matériau de base. Ce phénomène est plus marqué que dans les romans, car les traducteurs doivent composer avec des contraintes propres au média, comme le rythme des images et les mouvements de lèvres des acteurs.

Pour finir, et c’est un avis personnel, la VF s’accorde parfois assez mal avec le langage corporel des acteurs. Comme cette composante physique représente une part importante de ce que nous communiquons, elle ne peut être négligée.
Par exemple, j’avoue avoir des difficultés à regarder les films asiatiques en VF, car les voix et intonations employées me semblent être à mille lieues des postures et gestuelles typiques de ces pays.

Doublage et sous-titrage en Europe
En rouge, les pays d’Europe utilisant majoritairement le doublage, en bleu ceux utilisant majoritairement le sous-titrage. Cette préférence pour la VO est citée comme l’une des raisons pour lesquelles les Scandinaves sont bons en anglais.

La version originale, un apprentissage passif ? Pas si sûr !

Là où je souhaite vous mettre en garde, c’est que le personnage évoqué en début d’article semble croire qu’il a appris l’anglais simplement en regardant la télévision, sans effort supplémentaire. Dans les faits, ce n’est pas si simple.

Une ressource précieuse… placée dans un contexte plus global

Le simple fait d’entendre une langue étrangère, même quotidiennement, ne vous la fera pas apprendre comme par magie. Les effets bénéfiques sont certes présents : vous ouvrirez votre oreille aux rythmes et aux sonorités de la langue et serez même en mesure d’identifier quelques mots récurrents. Vous n’apprendrez pas pour autant à parler.
Personnellement, il m’arrive de regarder des films sud-coréens et, mis à part les « yo » à la fin des phrases, je n’ai jamais identifié un seul mot coréen.
Méfiez-vous donc des personnes trop optimistes qui vous disent qu’il est possible d’apprendre une langue étrangère uniquement via les films et séries. Ce n’est tout simplement pas vrai.

Cette fausse croyance s’explique simplement : en règle générale, la langue en question est l’anglais. Nous nous trouvons sans doute en plein âge d’or de la série télévisée américaine et anglaise dans une moindre mesure. Il suffit de voir l’impact démesuré que peut avoir une série comme Game of Thrones, véritable phénomène de société qui agite la Toile à chaque épisode.
En plus des films hollywoodiens, les séries s’inscrivent donc dans le quotidien de tout un chacun. Comme nous avons (normalement) tous suivi des cours d’anglais, la langue que nous entendons au cinéma ou à la télévision fait donc remonter du vocabulaire et des structures grammaticales que nous connaissons déjà grâce à l’école.

Un apprentissage complet reste nécessaire

Vous l’aurez compris, les médias anglophones nous font progresser en anglais, car c’est une langue dont nous maîtrisons déjà certaines bases, aussi rouillées soient-elles. A l’inverse, si vous espérez apprendre le japonais uniquement en regardant des anime, vous risquez d’être terriblement déçu, et même l’intégrale de Dragon Ball n’y changera rien.
Il faut donc voir ces supports audiovisuels pour ce qu’ils sont : des compléments précieux et motivants de votre apprentissage, mais des compléments avant tout. Ils ne sauraient se substituer à une étude plus théorique de la langue, basée sur un cours ou une méthode.

Couch potato
Les films et séries en VO ne suffisent pas à apprendre les langues étrangères. Ne devenez pas un « couch potato » !

Comment bien utiliser les films et séries en VO pour apprendre les langues

Voici à présent quelques conseils qui vous permettront d’intégrer ces supports dans votre programme d’apprentissage.

La régularité, encore et toujours

La recette ne change pas : vous progressez plus vite grâce à des visionnages réguliers. De par leur format épisodique, les séries se prêtent bien à ce morcellement dans le temps. Les films seront quant à eux réservés à des moments où vous aurez plus de temps de temps libre, comme les soirées ou le week-end.

Le marathon de série, ou binge watching, est déconseillé dans le cadre de l’apprentissage d’une langue. Cette pratique, qui consiste à regarder un grand nombre d’épisodes d’une traite, est mauvaise pour deux raisons : non seulement elle fatigue votre cerveau, mais elle ne lui fournit pas non plus les rappels régulier dont il a besoin pour mémoriser des informations.
Faites donc preuve de patience et limitez-vous à un épisode par jour : vous n’aurez qu’une journée à attendre pour savoir quel sera le prochain Stark ou Lannister à mourir dans d’atroces souffrances.

Sous-titres : commencez par le français

Pour vos premiers visionnages, commencez en douceur et mettez les sous-titres en français (VOSTFR). Vous pourrez ainsi vous immerger dans la langue sans subir la frustration de ne rien comprendre. Si vous n’avez pas l’habitude des sous-titres, la transition sera peut-être désagréable, car le texte aura tendance à détourner votre attention de l’image filmée. Vous prendrez malgré tout le coup de main et la gêne disparaîtra très vite.

Les sous-titres dans la langue cible

Une fois que vous estimez avoir atteint un niveau suffisant, vous pouvez passer aux sous-titres dans la langue d’origine. Il n’y a pas de moment idéal pour effectuer cette transition, elle dépendra de vous mais aussi de la langue apprise. Vous arriverez vite à lire des sous-titres en anglais ou en espagnol ; s’ils sont écrits en chinois, vous aurez sans doute besoin de plus de temps.

Ce changement vous imposera sans doute un temps d’adaptation, au cours duquel vous vous sentirez peut-être un peu perdu. Tenez bon et acceptez de ne pas comprendre chaque mot.
Si l’anglais est votre langue de prédilection, il existe des solutions pour effectuer cette transition en douceur. Je pourrais par exemple citer Fleex, un logiciel qui mélange sous-titres français et anglais en fonction de votre niveau.

Les bénéfices du duo écrit – oral

La combinaison entre les dialogues et les sous-titres crée une combinaison intéressante. En effet, le fait d’entendre un mot et de le lire dans les sous-titres crée une redondance. Cette association entre l’écrit et l’oral, ajoutée au contexte donné par les images, est excellente pour la mémorisation.
Attention cependant, les sous-titres ne retranscrivent pas toujours exactement les dialogues parlés, cette association ne fonctionne donc pas à tous les coups.

Ce phénomène fonctionne également dans un contexte plus large : vous apprenez un terme dans vos leçons et vous le reconnaissez dans un dialogue, ce qui l’ancre davantage dans votre mémoire. De la même manière, si vous identifiez un mot lors d’un visionnage, vous pouvez le réutiliser par la suite, à l’écrit comme à l’oral. N’oubliez jamais que les différentes composantes de votre apprentissage fonctionnent de concert et s’enrichissent mutuellement.

Dernière étape : se passer de sous-titres ?

Lorsque votre capacité d’écoute est suffisamment bonne, vous pouvez tenter de vous passer des sous-titres. Encore une fois, ne vous laissez pas décourager par l’inévitable temps d’adaptation, vous finirez par vous habituer.
Au risque de vous surprendre, je ne suis pas toujours adepte de la VO sans sous-titres, du moins dans certains cas. Tout d’abord, si l’œuvre comprend des accents ou du vocabulaire peu habituels, vous risquez d’être très désorienté. Lorsque j’ai commencé à regarder la série The Wire, entre le jargon policier et l’argot des rues de Baltimore, je n’étais pas mécontent d’avoir des sous-titres en anglais pour m’aider à m’y retrouver.
Ensuite, il arrive que l’audio ne soit pas toujours clairement audible. C’est souvent le cas dans les films d’action ou de guerre : les voix sont couvertes par divers bruitages, certaines sont émises à travers des haut-parleurs, rendant la compréhension difficile.

Si vous désirez laisser tomber les sous-titres, commencez par des œuvres dans lesquelles les personnages parlent clairement, avec un accent standard. Les drames et les comédies me semblent tout désignés.

Films et séries en VO : pas de miracle pour la prononciation

Pour conclure, je ne peux que vous recommander de passer à la version originale pour progresser dans une langue. Cependant, ne vous reposez pas entièrement sur les œuvres audiovisuelles.
J’aimerais vous faire une dernière mise en garde vis-à-vis de votre prononciation. Cette dernière ne s’améliorera pas de manière passive, même en regardant des centaines de films en VO. Profitez de cette occasion d’entendre la langue bien prononcée, puis faites l’effort de la parler. C’est la seule manière d’améliorer votre accent, mais elle a le mérite d’être aussi plaisante qu’efficace.

Si vous cherchez des idées de films et séries en VO, le blog de MosaLingua vous en propose une sélection assez complète.

Crédit images : m4tik, Wikipédia, Banalities.

Pierre

Fondateur du Monde des Langues, j'aide les passionnés de langues à devenir plus autonomes et à atteindre leurs objectifs. J'ai eu l'occasion d'apprendre l'allemand, l'anglais, le finnois, l'italien et le japonais.

Ces articles vous intéresseront aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs marqués d'un * sont obligatoires.

  1. Ma langue maternelle est l’anglais. Pendant mon enfance j’ai appris le français à l’école (en France) autant en classe que dans la cour de récréation (deux français très différents d’ailleurs), en jouant avec les copains après l’école, en regardant les dessins animés à la télé française (Récré A2 entres autres), mais aussi en lisant Tintin et Astérix. J’ai appris énormément de français en lisant les bandes dessinées. Souvent, je ne comprenais pas tout le contenu des bulles, mais les images aidaient à en comprendre le sens général. Au fur et à mesure, que j’apprenais le français, ces répliques devenaient plus claire et je ressentais l’acquisition progressive de la langue. En tant que formateur d’anglais pour public francophone, je conseille à mes apprenants depuis 15 ans de lire Tintin et Astérix en anglais. Tout médium qui comporte du texte (parlé ou à lire) peut être un support intéressant. D’ailleurs plus tard, j’ai appris beaucoup d’allemand en regardant les films (d’un certain genre) du samedi soir très tard sur certaines chaînes allemandes (par contre là, je n’en parle pas à mes apprenants). Oui, là aussi, il y a des répliques et du vocabulaire usuel de la vie de tous les jours. (Oui, bon, il y a aussi un autre genre de vocabulaire dont je ne parlerai pas ici.) Mais tout ça pour dire qu’on peut trouver des éléments intéressants dans tous les différents médias et genres. Mais effectivement, il faut s’en servir efficacement. Si on retient un mot ou deux, tant mieux. Si on voit qu’on comprend le sens général de ce qui est dit ou écrit sans forcément en comprendre tous les mots, c’est très bien aussi. Mais il faut accepter qu’on ne va pas tout comprendre, encore moins du premier coup. Ça ne veut pas dire que ça ne sert à rien et ça ne remplace pas l’apprentissage complet de la langue. (Pour ça, j’avais les cours de français en classe et ma mère qui me poussait à traduire en anglais le livre de lecture au fur et à mesure.)

    1. Merci Rupert pour cet excellent commentaire ! Je suis d’accord, les BD sont un très bon moyen de progresser, car contrairement à un roman, une bonne partie du contexte est déjà transmise via les images. Quant aux films « d’un certain genre », c’est un support pédagogique pour le moins original !

    2. Je suis entièrement d’accord sur l’intérêt de la bande-dessinée, les images aident à garder le fil, ce qui est beaucoup moins décourageant que, par exemple, un roman dans lequel il arrive de louper une phrase capitale. J’ajouterais qu’un autre intérêt de la bande-dessinée est qu’elle permet souvent d’apprendre une langue plus orale, mais en ayant le temps de s’arrêter dessus et de l’analyser, puisque c’est écrit.
      (Je ne sais pas si Pierre s’est déjà lancé dans des mangas, ça change un peu de la méthode Assimil ^^).

      Pour en revenir au films et séries sous-titrées, ce que j’essaye de faire, c’est de lire vite le sous-titre, afin de savoir ce qui sera dit avant que la réplique ne soit (entièrement) prononcée, ce qui permet de se concentrer sur la réplique et de repérer plus facilement les mots et la structure de la phrase. Le problème, c’est quand les sous-titres sont dans une autre langue que le français ou la langue du film (typiquement du japonais sous-titré en anglais ou en espagnol, les joies du streaming…) le temps de lecture est un chouïa plus long et ne me permet généralement plus de me concentrer sur la réplique. Et donc les progrès me paraissent se faire davantage dans la langue des sous-titres que dans celle du film…
      (Et puis, sur internet, il arrive que les sous-titres soient fait par des amateurs et truffés de fautes…)

      Pour conclure enfin sur les « films d’un autre genre », je citerai un ami chinois qui disait: « Il y a un mot japonais que tous les hommes chinois connaissent, c’est yamete (impératif du verbe yameru, arrêter) ».
      Il faut bien commencer quelque part 😉

  2. Bonjour, déjà je trouve cet article très interessant.

    Ensuite, j’ai donc essayé de chercher des sites pour regarder des séries ou films en anglais, sous titré anglais, mais je n’ai trouvé que des sites payants ou illégaux.

    Pourriez-vous m’indiquer un site internet gratuit et légal pour regarder des sites en VO sous-titrée anglais ?

    Merci d’avance.

    Julien

    1. Difficile de te répondre, étant donné que, justement, les sites permettant de regarder des films sont généralement… soit payants, soit illégaux !
      Une astuce à laquelle on ne pense pas forcément : la bibliothèque. Si tu en as une (ou une médiathèque) dans ton quartier et qu’elle possède une collection de DVD, n’hésite pas à y faire un tour. Un abonnement coûte rarement cher et les DVD proposent souvent les sous-titres dans la langue du film. Certaines bibliothèques de quartier, même petites, peuvent disposer d’une collection de films très complète.

  3. Bel article, et je me retrouve dans bien des points !
    Selon moi, il y a aussi beaucoup d’avantage à regarder des films ou séries en VO. Je pratique moi-même cet exercice depuis un bout de temps et de façon plutôt régulière (car l’exercice en question est plutôt sympa, n’est-il pas !?). J’ai commencé en sous-titré français, puis anglais, puis sans sous-titres ! On pourrait dire que le progrès est flagrant ! Sauf que, effectivement niveau oral, oui je sens également la différence, je comprends mieux, et comprends de plus en plus de choses. A contrario, mon anglais parlé lui, en reste au même stade …

    1. C’est le problème : j’ai longtemps appris l’anglais de manière « silencieuse » (écoute et écrit) et je me suis un jour retrouvé dans une situation gênante où on m’a fait remarquer que mon accent était catastrophique. Pratiquer activement l’oral est indispensable.

  4. Je suis partisan de la VOST. Cela étant, étudiant aujourd’hui le japonais, j’ai vraiment beaucoup de mal à trouver des ressources en VOSTJP. On me dira « les émissions télé ! » mais tout n’est pas st et surtout leur intérêt pour moi est assez limité (pas envie d’apprendre en matant un truc débile qui m’attire pas).

    Les alternatives que j’ai trouvées sont :
    * les opening/ending d’anime mais bon, ça reste de la chanson, pour apprendre je suis pas fan
    * les jeux vidéo époque PS2+ type Yakuza mais c’est pas facile facile

    Si quelqu’un a des pistes. Je lisais que c’était difficile d’avoir du JPSTJP ; je suis surpris pour les pauvres malentendants du pays 😮

    1. Il n’est pas toujours facile de trouver des sous-titres dans sa langue cible, sauf bien sûr s’il s’agit de l’anglais. Lorsque les natifs regardent le film ou la série TV, ils le font sans sous-titres. Irait-on regarder un film français avec des sous-titres ? Peut-être faut-il mettre la main directement sur des DVD / BR japonais… Ça ne doit pas être évident et surtout pas très intéressant financièrement, mais il y aura sans doute des sous-titres pour malentendants.
      En tout cas, je comprends ton problème, j’aimerais bien passer aux sous-titres en japonais un jour et je vais vite me retrouver dans la même situation.

{"email":"Adresse e-mail invalide","url":"Adresse du site invalide","required":"Champ requis manquant"}

Rejoignez mes contacts pour recevoir les nouveaux articles dès leur parution

+ la formation gratuite "25 techniques pour apprendre votre vocabulaire"