Par Pierre

10 octobre 2015

Les langues étrangères et l'alcool font-ils vraiment bon ménage ?

Si je me fais un devoir de combattre les pires mythes sur les langues étrangères, il y en a certains que je laisse passer de bon cœur, puisqu’ils sont plus amusants que réellement nocifs. Parmi ces drôles d’idées reçues, l’une d’elles a cependant retenu mon attention : certaines personnes croient dur comme fer qu’elles parlent mieux les langues étrangères lorsqu’elles sont sous l’emprise de l’alcool. Penchons-nous sur ce curieux phénomène, qui n’est peut-être pas aussi anodin qu’il en a l’air.

Langues étrangères en état d’ébriété

Lorsque j’écoute quelqu’un parler me parler de son expérience avec l’alcool, le récit prend plus ou moins cette forme : « En temps normal, je parle très mal les langues étrangères, je n’arrive pas à aligner une phrase entière. Mais après quelques verres, c’est complètement différent : non seulement je comprends tout ce qu’on me dit, mais j’arrive à parler sans problème, je forme même des phrases complexes en utilisant du vocabulaire que je ne pensais pas connaître ! ».
Vu sous cet angle, l’alcool semble avoir un effet bénéfique surpuissant, un peu comme la potion magique sur Astérix ou les épinards sur Popeye. En définitive, si vous vous trouvez à une soirée où vous devez parler une langue étrangère, n’hésitez plus : levez le coude !

Si la proposition semble aussi séduisante que simple à mettre en œuvre, dans les faits, qu’en est-il vraiment ? L’alcool nous dote-t-il réellement de superpouvoirs de polyglottes ?

Langues et alcool, un cocktail pas si idéal

La réponse n’est pas très difficile à deviner. Au risque d’en décevoir certains, l’alcool n’a aucun effet positif sur la capacité à parler une langue. En réalité, le fait d’avoir un coup dans le nez, loin de nous aider, nous empêche de nous exprimer correctement.

L’alcool lève nos inhibitions

L’unique effet positif de l’alcool est le fait de dissiper les inhibitions que nous pourrions avoir à l’idée de parler une langue étrangère. Si ce phénomène peut paraître insignifiant à certains, pour d’autres au contraire, il représente le jour et la nuit.
L’alcool a en effet ce rôle de « lubrifiant social », comme la cigarette, car il minimise le stress, provoque une légère euphorie et réduit le sentiment de gêne qui est souvent associé à la prise de parole en public. Dans ces conditions, il semble plus facile de s’exprimer, car on ne sent plus peser sur ses épaules la crainte de faire des fautes et d’être jugé.

Tu t’es vu quand t’as bu ?

Dans les faits, si vous vous lancez dans une conversation dans une langue étrangère, vous avez l’impression qu’elle est fluide et sans faute, mais je peux vous garantir que pour un observateur extérieur, ce n’est pas le cas. Vous ne vous rendez tout simplement pas compte des fautes que vous êtes en train de commettre. Votre interlocuteur, quant à lui, est sans doute aussi éméché que vous et surtout trop euphorique pour vous faire remarquer qu’il ne comprend pas telle ou telle de vos phrases.
Personnellement, l’alcool a un effet désastreux sur ma faculté à décliner des noms et conjuguer des verbes en temps réel, il y a peu de chances pour qu’il en aille autrement pour vous.

Ce qui se produit réellement quand vous buvez

Le véritable problème n’est autre que la peur de parler une langue étrangère. Peur de se tromper, de ne pas arriver à trouver ses mots, de ne pas être compris, d’être jugé… Mille et une raisons font que lorsqu’on est sobre, il semble plus facile de rester sur le français, voire sur une langue étrangère facilement comprise, comme l’anglais. Quelques verres d’une boisson alcoolisée permettent donc de dissiper facilement ces craintes et de se concentrer sur l’essentiel : parler beaucoup, sans inhibition.
De plus, l’alcool diminue le stress, qui empêche de réfléchir correctement. Les mots viennent donc plus facilement, c’est précisément pour cette raison que certains sont étonnés par leurs propres performances en langues lors d’une soirée arrosée.

Maintenant, faisons preuve d’un peu de réalisme : il est tout à fait possible d’atteindre cette aisance sans boire la moindre goutte. De la même manière, les personnes disant ne parler bien les langues qu’avec l’aide de l’alcool se trouvent tout de même une sacrée mauvaise excuse.

La consommation d'alcool, un rite social
L’alcool est au centre des rites sociaux de nombreuses cultures. Difficile donc d’y échapper !

Surmontez votre peur de parler les langues… sans alcool !

A présent que nous avons décortiqué ce prétexte bancal, attaquons-nous au cœur du problème : l’anxiété que l’on peut ressentir à l’idée de prendre la parole dans une langue étrangère. Voici quelques conseils qui vous permettront de surmonter vos appréhensions.

Commencez à parler tôt

Faites en sorte de discuter avec des locuteurs de la langue aussi tôt que possible dans votre apprentissage. Je vous donne ce conseil pour deux raisons : tout d’abord, l’appliquer dédramatisera le fait de parler, pour en faire une partie comme une autre de votre projet. Ensuite, en vous présentant comme un débutant, vous vous « donnerez le droit » de faire des fautes. Après tout, qui pourrait reprocher à un novice de commettre des erreurs ?
De cette manière, vous prendrez confiance en vous au fur et à mesure que vous progresserez. Vous exprimer dans votre langue cible ne sera pas un acte abstrait et effrayant, mais quelque chose que vous faites régulièrement et, surtout, que vous aimez faire.

Allez-y pas à pas

Je peux tout à fait comprendre que pratiquer une langue dans un bar bruyant ne soit pas la méthode favorite de tout le monde. Si vous n’êtes pas très à l’aise en public, ne forcez pas votre nature et commencez doucement, par exemple avec un correspondant sur Skype.
Dans le confort de votre domicile, vous vous sentirez plus à l’aise pour parler et roder un peu votre conversation, après quoi vous aurez tout le temps de sortir affronter le vaste monde.

Voyez l’interaction comme un jeu

Vous n’êtes pas à l’école, cessez donc de vous attendre à être jugé. Si vous vous trouvez dans un lieu où il y a de l’alcool (bar ou fête chez des particuliers), croyez-vous vraiment que les gens y viennent pour donner des notes à ceux qui apprennent leur langue ? Dès votre arrivée sur les lieux, commencez directement à parler dans votre langue cible. Vous progresserez bien plus vite que ceux qui attendent d’avoir consommé suffisamment d’alcool pour oser ouvrir la bouche.
Ensuite, lorsque vous prenez la parole, considérez cette activité comme un jeu et non comme un test de vos connaissances. Votre auditoire a toutes les chances d’être intrigué, voire impressionné par ce qu’il entend, donc amusez-vous un peu. Si vous apprenez une langue rare, ses locuteurs sont généralement très bon public et n’hésiteront pas à vous complimenter : de quoi gonfler efficacement votre moral !

Nul besoin de boire beaucoup pour parler une langue
Le meilleur compromis pour parler correctement une langue reste de boire peu, mais bien.

Alcool et cultures étrangères : comment éviter les faux pas

Si vous décidez de conjuguer vie nocturne et pratique d’une langue, que ce soit dans votre ville ou en voyage, je vous conseillerais de limiter votre consommation d’alcool. Vous vous exprimerez mieux avec les idées claires et, surtout, vous vous souviendrez de ce que vous aurez appris.
Je ne suis certainement pas en train de vous dire de rester à l’eau et de ne pas vous amuser, mais je préfère être honnête avec vous : il faudra faire un choix entre soirée arrosée et soirée où vous progresserez.

Le rôle de la pression sociale

En voyageant, vous remarquerez même que dans certaines cultures, il est impensable de sortir le soir sans boire… beaucoup. Je pense notamment aux pays scandinaves où tout le monde s’assurera que vous vous amusiez en vous servant des quantités astronomiques d’alcool. Pour vous donner un exemple parlant, la première fois que je suis allé en Finlande, il m’est arrivé à plusieurs reprises de refuser poliment lorsque l’on proposait de me payer un verre de plus. On me demandait alors si j’étais absoluttisti (absolutiste), c’est-à-dire si je refusais toute consommation d’alcool. L’usage d’un terme aussi extrême montre bien que dans certaines cultures, refuser un verre est presque vu comme un acte politique.
Dans ces conditions, il est difficile de ne pas boire et la pression sociale fait qu’on va souvent commander soi-même une nouvelle boisson, puis une autre… Si vous voyagez, votre budget risque de fondre comme neige au soleil et vos visites du lendemain seront gâchées par une méchante gueule de bois.

Comment s’en sortir sans trop de casse

Si vous souhaitez passer une bonne soirée tout en évitant de ressembler à un zombie passé une heure du matin, indiquez clairement quelles sont vos limites. Goûtez aux alcools locaux qui piquent votre curiosité, mais n’hésitez pas à refuser poliment ceux qui risquent de vous déplaire ou de vous rendre malade. Par exemple, je suis physiquement incapable d’apprécier la bière au-delà d’une simple gorgée, je veille donc à ce que l’on ne m’en offre pas, pour éviter toute situation désagréable et préserver le portefeuille de mes généreux compagnons.
Dans tous les cas, rien ne vous empêche d’exposer votre projet de la soirée, qui consiste à pratiquer une langue tout en gardant les yeux en face des trous. Il y a peu de chances que cela soit mal vu et vos interlocuteurs seront ravis de vous aider, même si je ne garantis pas que leur expression reste très cohérente toute la soirée !

Conclusion : ne vous sentez jamais obligé de boire

Si la consommation d’alcool lors d’un événement festif n’est absolument pas un mal en soi, il ne doit en aucun cas devenir un palliatif face à la peur d’agir. Si vous passez cette soirée dans un cadre cosmopolite, il est préférable de boire peu si vous souhaitez pratiquer une langue, contrairement à l’idée reçue que nous avons démontée en début d’article. Peut-être serez-vous impressionné à l’idée de prendre la parole, mais vous vous rendrez vite compte que vos craintes sont infondées.
Un dernier conseil tout simple : pour briser la glace dans ce contexte, il suffit de dire « santé ! » dans la langue cible et vous voilà parti pour de longues et passionnantes conversations.

Source des images : Wagner T. Cassimiro « Aranha », melalouise, Edson Hong.

Pierre

Fondateur du Monde des Langues, j'aide les passionnés de langues à devenir plus autonomes et à atteindre leurs objectifs. J'ai eu l'occasion d'apprendre l'allemand, l'anglais, le finnois, l'italien et le japonais.

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  1. Merci pour l’article Pierre, et je viens de penser à quelque chose en plus :
    Si vous avez peur de parler, justement ne buvez pas ! Laisser les autres boire, ils seront éméchés sans capacité de jugement et de discernement, vous pourrez donc faire redescendre la pression (que vous vous mettez à vous même) et faire pleins de fautes : personne ne les remarquera !

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