7 mythes sur l’apprentissage des langues à bannir sans plus tarder

Par Pierre

4 juin 2024

Après avoir échangé avec des centaines d’apprenants au cours des dernières années, j’en suis arrivé à un constat étonnant : la principale cause d’échec dans l’étude d’une langue n’est pas toujours celle que l’on croit. Il ne s’agit donc pas d’un manque de compétences, ou de l’absence d’un « don », dont l’existence reste à démontrer. Elle est plutôt à rechercher dans un ensemble de fausses croyances, que nous allons détailler ici. Voyons donc quels sont les sept mythes sur l’apprentissage des langues les plus courants.

Des mythes tenaces… et complètement faux

C’est un comble. De nombreuses personnes renoncent à apprendre une langue étrangère, non pas parce qu’elles se découragent en cours de route… mais parce qu’elles ne se donnent même pas la peine de commencer ! Peut-être même êtes-vous dans ce cas : vous avez un intérêt pour une culture et l’envie vous démange d’en apprendre la langue. Mais en êtes-vous vraiment capable ?

Peu à peu, le doute s’installe et commence à ronger votre enthousiasme. Ce projet en vaut-il vraiment la peine ? Cette langue est-elle faite pour vous ? Autrement dit, c’est le chaos dans votre tête.

Il est donc nécessaire d’enfoncer une nouvelle fois le clou et de tordre le cou à certaines idées reçues trop répandues. Cela vous permettra d’y voir plus clair et d’aborder votre apprentissage de manière plus sereine.

Sept clichés sur les langues passés au crible

Voici un florilège de lieux communs que j’ai eu l’occasion de rencontrer.

Mythe n°1 : il faut avoir un don pour apprendre les langues

« Oui mais toi, tu es doué. Moi je suis nul en langues ! »

Certaines personnes semblent avoir une sorte de génie pour les langues étrangères. Dès leur plus jeune âge, elles parviennent à les collectionner avec une aisance insolente. C’est vrai : sans doute ont-elles une sorte de don, des facilités innées. Je n’ai qu’une chose à dire à leur sujet, sans sarcasme aucun : tant mieux pour elles.

Vous avez vos compétences, votre vécu et vos expériences passées, bonnes ou mauvaises. Il faudra composer avec. C’est ainsi ! Pourquoi s’appesantir sur un paramètre que vous ne pourrez de toute façon pas changer ?

Cessez donc de vous focaliser sur ce que font les autres. A la place, concentrez-vous sur votre projet. Rappelez-vous que personne n’est nul en langues et que vous ne savez de toute façon pas ce que font les personnes plus avancées que vous. Elles ont certainement connu leur lot de galères et de blocages. Oui, même celles qui parlent plus de dix langues. Vous ne voyez que la partie émergée de l’iceberg, pas ce qui se cache en dessous.

Et n’allez pas me dire qu’en tant que Français, vous souffrez d’un désavantage naturel et irréversible. Il n’y a pas de « malédiction française », les maigres performances de notre pays en la matière ont d’autres sources, que nous avons déjà longuement examinées.

Mythe n°2 : seul l’anglais est nécessaire

« Tout le monde parle anglais ! A quoi bon apprendre une autre langue, qui sera moins utile ? »

L’anglais est la troisième langue la plus parlée au monde si on prend en compte le nombre de locuteurs natifs, après le mandarin et l’espagnol. C’est également la langue la plus apprise partout sur la planète, avec un poids économique et culturel considérable. Par conséquent, il est indéniable que l’anglais est une langue de choix pour peu que l’on veuille communiquer à l’étranger. Mais peut-on s’en contenter ?

Dans les faits, vous aurez une expérience beaucoup riche en parlant la langue d’un pays. Tout d’abord parce que tout le monde ne maîtrise pas l’anglais à un niveau conversationnel. Ensuite parce que la maîtrise d’une langue, surtout si elle est rare, vous distinguera aux yeux des autochtones du touriste de base. C’est simple : je n’aurais jamais rencontré certains de mes amis si je n’avais pas appris leur langue.

De plus, sorti du monde anglo-saxon et des grandes villes d’Europe, votre anglais ne tardera pas à montrer ses limites. D’autres langues vous seront alors bien plus utiles, comme l’espagnol en Amérique Latine ou le russe dans certains pays d’ex-URSS. Pour de plus amples informations, je vous renvoie à cet article.

Ajoutons un dernier point : l’anglais n’est pas une langue facile, contrairement à ce qu’on entend souvent. Il s’agit simplement d’une langue comme une autre, ni plus simple, ni plus compliquée. Ne vous attendez donc pas à la dompter sans le moindre effort.

Mythe n°3 : passé un certain âge, c’est mission impossible

« Il faut apprendre les langues quand on est enfant. Après, c’est trop tard ! »

Encore un point que nous avons déjà longuement abordé. En apparence, les enfants apprennent les langues de manière quasiment automatique. En apparence seulement. Car il faut plusieurs années à un enfant pour acquérir sa langue maternelle, puis de longues années supplémentaires pour la maîtriser à un niveau académique.

En tant qu’adulte, vous pouvez vous autoriser un peu plus d’ambition. Si vous savez vous organiser, travailler efficacement et rester régulier, alors vous avez les moyens d’apprendre une langue beaucoup plus vite que ne le ferait un enfant.

Cessez donc de penser que vous avez passé la date de péremption : soixante, cinquante voire quarante ans ! J’ai déjà croisé des septuagénaires toujours actifs dans leur apprentissage, qui s’en sortaient beaucoup mieux que des personnes beaucoup plus jeunes. L’un des inscrits à mes formations m’avait une fois confié avoir quatre-vingt-douze ans. L’âge n’est en rien un frein.

Mythe n°4 : l’immersion dans le pays, sinon rien

« Le seul moyen pour bien parler une langue, c’est de passer plusieurs années dans le pays pour être en immersion. »

Je vais me faire des ennemis parmi les organisateurs de séjours linguistiques, mais il n’est pas nécessaire de partir dans un pays pour en apprendre la langue. J’irais même jusqu’à dire qu’il est possible d’atteindre un très bon niveau sans jamais mettre le pied dans le pays concerné. A l’inverse, de nombreux expatriés passent des années dans un pays sans réussir à en parler la langue.

Le problème avec ce mythe, c’est qu’il vous pousse à croire qu’une fois en immersion dans le pays, il se passera quelque chose de magique qui vous fera automatiquement apprendre la langue en quelques mois, sans le moindre effort. La réalité est un peu plus nuancée.

Avez-vous remarqué que certaines personnes venues de l’étranger ont passé plusieurs décennies en France et parlent un français qui pourrait être qualifié de relativement maladroit ? C’est parce qu’elles ont appris notre langue par tâtonnements, sans le socle théorique qui l’accompagne : grammaire, tournures de phrase correctes, etc. Elles ont donc atteint un niveau qui leur permet de se débrouiller au quotidien, mais qui n’est sans doute pas celui auquel vous aspirez.

Un séjour en immersion a bien entendu ses avantages : vous avez la possibilité de pratiquer la langue au quotidien et êtes exposé à du vocabulaire de la vie de tous les jours. Il s’agit donc d’une occasion fantastique de réaliser d’énormes progrès. Mais il y a une condition pour en profiter pleinement : vous devez être actif dans votre apprentissage. Ce qui implique de vous frotter aux aspects en apparence peu sympathiques, comme la grammaire.

Une immersion efficace est tout sauf un processus facile.

Quelle que soit votre situation actuelle, la sentence est la même : vous devez vous organiser de manière à pratiquer cette langue chaque jour. La bonne nouvelle, c’est qu’il est tout à fait possible de le faire même si vous ne vivez pas à l’étranger, en faisant votre immersion à la maison.

Mythe n°5 : c’est une activité qui demande énormément de temps

« J’aimerais beaucoup me remettre à l’anglais, mais je n’en ai absolument pas le temps ! »

Il est possible que votre emploi du temps surchargé vous laisse peu de temps pour travailler. Entre le travail, la famille, les amis, les loisirs, il n’est pas toujours facile de trouver une minute pour souffler. Fort heureusement, l’apprentissage des langues est une activité qui demande relativement peu de temps. Un travail régulier de 15-30 minutes par jour est amplement suffisant pour acquérir d’excellentes bases. C’est sur la durée que tout se joue : en appliquant ce conseil pendant plusieurs mois ou années, vous atteindrez un excellent niveau, avec un impact négligeable sur votre quotidien.

Il est même possible de combler les temps morts de votre journée avec des mini-sessions très variées : révision sur votre téléphone portable, radio, épisode d’une série en VO… Cependant, n’hésitez pas, par exemple le week-end, à consacrer plus de temps à un sujet particulier, comme un point de grammaire que vous ne comprenez pas bien.

Dans tous les cas, nul besoin d’être rentier ou retraité pour apprendre une langue étrangère. Le secret consiste à bien gérer son temps.

Mythe n°6 : il faut attendre de parler parfaitement avant de le faire avec des locuteurs natifs

« Il faut d’abord apprendre parfaitement la grammaire et, après, seulement, on peut parler. Sinon, on risque de faire trop de fautes. »

Oui et non. Il s’agit bien sûr d’un poncif éculé, mais qui recèle un fond de vérité. A l’oral, le mieux est l’ennemi du bien : si vous attendez d’avoir une expression parfaite pour ouvrir la bouche, vous ne vous exercerez jamais, donc vous ne progresserez pas. Logique. Pratiquez donc l’oral aussi tôt que possible : loin de constituer la finalité de votre apprentissage, il en fait partie intégrante.

Il peut être difficile de se « mettre à nu » devant des locuteurs natifs, qui parlent naturellement leur langue, avec votre vocabulaire limité, ou en commettant des erreurs. Mais c’est un modeste prix à payer pour s’améliorer. Entourez-vous de personnes bienveillantes, qui sauront corriger vos erreurs sans vous donner la honte de votre vie.

Grâce à ces échanges réguliers, vous finirez par atteindre une grande aisance à l’oral, que vous n’aurez jamais si vous restez dans votre coin. En prime, vous vous ferez des amis, alors pourquoi vous en priver ?

Mythe n°7 : certaines langues sont impossibles à apprendre

« Le russe/japonais/chinois… est beaucoup trop difficile. Il est tout bonnement impossible de le parler parfaitement. »

Aucune langue n’est hors de votre portée. Toutes possèdent des caractéristiques qui les rendent plus ou moins complexes.

Par exemple, si le finnois possède une grammaire particulièrement complexe et exotique, avec ses quinze cas grammaticaux, sa prononciation est plus ou moins évidente, avec un accent tonique toujours placé sur la première syllabe. A l’inverse, si le japonais implique d’apprendre des centaines de sinogrammes, sa grammaire ne pose pas beaucoup de problèmes. La difficulté d’une langue est donc relative et non absolue. Elle repose avant tout sur ce que vous trouvez facile ou difficile.

Pire : on peut même être surpris par les obstacles que peut poser une langue réputée facile. Laissez-moi vous faire une confidence : lorsque j’ai commencé à apprendre l’italien, j’ai rapidement été en mesure de former mes propres phrases, car cette langue est très proche du français. En revanche, j’ai dû étudier certains détails avec soin, comme la conjugaison, comme pour n’importe quelle langue.

Ensuite, cette difficulté perçue est principalement due à l’éloignement de la langue par rapport à votre langue maternelle ou celles que vous avez apprises. Par exemple, pour reprendre l’exemple du finnois, cette langue est assez éloignée de la nôtre, donc plutôt difficile à apprendre pour un francophone. En revanche, un Estonien, dont la langue maternelle est très proche du finnois, s’en sortira beaucoup plus facilement. De la même manière, l’espagnol est réputé facile, car proche du français, mais un Polonais le trouvera beaucoup plus dur à apprendre qu’une autre langue slave proche de la sienne, comme le slovaque. Bref, tout est une question de perspective !

Si vous hésitez à vous lancer dans une langue en particulier car elle a mauvaise réputation, un conseil : faites-le quand même. Avec une motivation suffisante, vous triompherez sans mal de ces difficultés.

Mythes sur l’apprentissage des langues : fini les excuses !

En fin de compte, ces idées reçues ne correspondent à aucune réalité tangible. Pourtant, elles sont loin d’être anodines : les mythes sur l’apprentissage des langues constituent surtout de mauvaises excuses, bien commodes pour ne pas vous lancer. Si vous avez peur d’échouer, il peut être tentant de les invoquer au lieu de prendre le risque de vous planter. Ce qui est dommage : le fait de ne pas agir vous privera de votre objectif : parler cette langue, enfin.

Donc la prochaine fois que vous hésiterez à franchir le pas, rappelez-vous que vous êtes capable d’apprendre n’importe quelle langue. Quel que soit votre âge, vos notes au bac, ce qu’en disent vos proches… Lancez-vous, tout simplement.

Pierre

Fondateur du Monde des Langues, j'aide les passionnés de langues à devenir plus autonomes et à atteindre leurs objectifs. J'ai eu l'occasion d'apprendre l'allemand, l'anglais, le finnois, l'italien et le japonais.

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  1. Ha j’avoue que le mythe 4 m’a bien aidée quand même ! Comme tu dis il faut être exigeant et ne pas se reposer sur ses lauriers. j’avais toujours un petit carnet de notes avec moi en Irlande et en Ecosse et je faisais beaucoup d’échanges de conversation avec des étudiants. C’est bien de parler mais c’est aussi bien de se faire corriger ! Chacun a sa manière de progresser après…

    1. Voilà, une immersion à l’étranger n’est réussie que si on est actif. De nombreuses personnes passent des mois voire des années dans un autre pays sans en apprendre la langue, parce qu’elles n’en ont pas fait l’effort. Malheureusement, ce n’est pas automatique !

  2. Super article !
    Très intéressant, surtout pour le quatrième mythe. D’ailleurs, qu’est-ce que tu penses du site « Fluent in 3 months » de Benny Lewis ?

    1. J’en pense le plus grand bien même si, à titre personnel, je n’aime pas trop le ton, trop anglo-saxon à mon goût. Et j’avoue avoir du mal avec la notion de language hacking.

      1. Perso, j’ai un peu de mal avec son attitude parfois assez condescendante et moqueuse (surtout quand il répond dans les commentaires à des gens qui ne sont pas d’accord avec lui) et avec son refus apparent de comprendre que la timidité est un problème réel et non illusoire.
        Mais que veux-tu dire par le fait que le ton est trop anglo-saxon ?

        1. A vrai dire je n’ai jamais trop vu ses réponses aux commentaires, je lis rarement les commentaires des autres sites.
          Concernant la timidité, il doit prendre ça un minimum au sérieux, vu qu’il a lancé une formation dessus avec Shannon d’Eurolinguiste.
          Par « ton anglo-saxon », j’entends un côté très outrancier, le fait de parler de hacks ou de superpowers, plus cette espèce de culte de la personnalité organisé autour de lui dans la communauté polyglotte. A côté, j’ai l’impression d’apporter plus de retenue, bref, un ton plus français 🙂

  3. c’est assez faux de dire qu’on peut apprendre une langue en y passant 15 mn (même 30 mn) par jour. Essayez de parler russe ou chinois en y passant 15 mn par jour, je voudrais voir les résultats. Des étudiants en fac, ultra motivés, se bagarrent toujours avec les langues au bout de 3 ans. Il faut atteindre une masse critique et cela impose de mettre pas mal d’énergie, au début tout au moins.

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