L’article que vous vous apprêtez à lire parle encore une fois d’objectifs. Je me permets d’insister sur cette thématique, qui est à mon avis déterminante dans la réussite (ou l’échec) d’un projet d’apprentissage d’une langue. La technique que je vous livre aujourd’hui provient du monde de la gestion de projet et vous aidera à fixer des objectifs concrets et réalistes.
SMART ? C’est pas une voiture, ça ?
La méthode SMART a été décrite par un certain George T. Doran dans la revue Management Review. Il s’agit d’un ensemble de critères permettant de fixer des objectifs de qualité, donc plus susceptibles d’être atteints. Très utilisée dans le monde de l’entreprise, elle peut tout à fait être appliquée au domaine des langues étrangères.
Pourquoi les objectifs sont importants
Quand on commence à apprendre une langue, on oublie généralement de se fixer des buts. C’est bien compréhensible, car le fait de débuter un apprentissage constitue en soi une source de motivation et fournit donc une bonne raison d’aller de l’avant. Le temps passant, cet enthousiasme retombe et on finit par se demander pourquoi on se casse la tête quotidiennement à étudier cette langue.
Si on vous demande quel est votre but, par exemple pour l’allemand, votre réponse sera généralement vague : « Bah… Parler très bien l’allemand ». Ce n’est pas un objectif, plutôt un vœu pieux. Vous n’avez établi aucun critère temporel et « parler très bien » est tout sauf explicite. Bref, pas de quoi vous motiver une année durant.
En revanche, si vous répondez « Pouvoir me débrouiller en visitant l’Allemagne, demander mon chemin, commander un café, d’ici environ un an. », vous décrivez ici un objectif concret, humble, que vous aurez toutes les chances d’atteindre.
La méthode SMART appliquée aux langues étrangères
SMART (« malin » en anglais) est un acronyme recouvrant les cinq facteurs permettant de créer des objectifs de qualité. Ces cinq critères peuvent varier en fonction de la nature du projet, voici ceux que j’ai retenus pour le domaine qui nous intéresse :
- Spécifique : votre but doit être clair, concret. « Atteindre le niveau B2 » ou « tenir une conversation courante » sont des objectifs spécifiques, qui servent des besoins qui vous sont propres.
- Mesurable : il doit être quantifiable et se baser sur des critères objectifs. Si vous débutez le japonais, par exemple, vous pouvez tenter d’apprendre la liste des 1006 kanji de base établie par le Ministère de l’Education (bon courage).
- Atteignable : votre projet doit se baser sur des tâches que vous pouvez réaliser facilement, comme vous rendre chaque semaine à un cours ou réviser du vocabulaire sur votre téléphone. A l’inverse, prévoir de converser chaque jour dans une langue que personne ne parle autour de vous ne rend pas votre objectif atteignable.
- Réaliste : vous ne lirez pas Shakespeare dans le texte en trois mois d’anglais, navré. Vous devez être sûr de pouvoir atteindre votre objectif. S’il est hors de portée, il vous découragera ; s’il est trop facile à atteindre, l’absence d’un défi digne de ce nom jouera également sur votre motivation. Si vous ne vous sentez pas capable d’évaluer l’ampleur de la tâche, n’hésitez pas à demander autour de vous.
- Temporellement défini : certains me diront qu’on n’a jamais tout à fait fini d’apprendre une langue. Certes. Pourtant, c’est dans la nature même d’un projet d’être limité dans le temps. Considérez donc vos objectifs comme des « jalons intermédiaires » dans votre apprentissage sur le (très) long terme. Sans pression temporelle, vous prenez le risque de laisser s’étirer indéfiniment votre apprentissage et de ne faire aucun progrès.
La méthode en pratique : posez-vous les bonnes questions
Prenez le temps d’examiner chacun des cinq critères et demandez-vous sur quels facteurs vous pouvez jouer. Pour vous faciliter encore plus le travail, voici les questions que je vous conseille de vous poser, dans un ordre qui n’est pas forcément intuitif :
- Spécifique (QUOI ?) : qu’est-ce que je souhaite être capable de faire ?
→ C’est l’ambition que vous affichez, le cœur de votre projet. - Atteignable (COMMENT ?) : comment vais-je concrétiser mon projet, sur quelles actions vais-je m’appuyer ?
→ Ici, vous définissez votre méthode d’apprentissage et les outils que vous utiliserez : cours, conversation, livre, logiciel… - Mesurable (COMBIEN ?) : quels critères quantitatifs puis-je utiliser pour savoir où j’en suis ?
→ Vous devez être en mesure d’évaluer si vous êtes en avance ou bien en retard. Vous pouvez vous baser sur un nombre de mots ou de caractères à apprendre, sur les leçons d’une méthode à étudier, etc. Bien sûr, il ne faut pas tomber dans une précision démente. Le barème du CECR peut soit dit en passant s’avérer très utile. - Temporellement défini (QUAND ?) : fixez une date limite pour la réalisation de votre projet.
→ Sachez trouver l’équilibre : ce délai ne doit être ni trop court, ni trop long. Si votre projet est très complexe et demande énormément de temps, fragmentez-le en plusieurs sous-objectifs. - Réaliste (validation) : une fois posés les critères précédents, demandez-vous si votre projet pourra être réalisé dans ces conditions. Si ce n’est pas le cas, corrigez le paramètre ou les paramètres fautifs.
→ Ce n’est pas forcément évident, surtout si vous manquez d’expérience et de recul. N’ayez pas peur de demander l’avis d’un professeur ou de toute personne plus expérimentée.
Ne perdez pas de vue que tout projet est amené à évoluer, donc si vous pensez avoir mal réglé un paramètre, vous pourrez tout à fait le modifier par la suite. Votre objectif n’est pas gravé dans le marbre, bien au contraire, il n’existe que pour servir vos besoins.
Votre objectif SMART comme base de votre apprentissage
Une fois votre objectif défini, vous devez le placer au cœur de votre étude. Si vous ne le faites pas, vous aurez tout simplement perdu votre temps. Demandez-vous régulièrement où vous en êtes ; n’hésitez pas à vous montrer plus ambitieux si vous êtes en avance, ou à revoir vos attentes à la baisse si vous avez eu les yeux plus gros que le ventre. Je vous fais confiance pour ne pas tricher, vous perdrez votre temps si vous travaillez en dessous de vos capacités !
Un conseil pour les moins motivés : résumez votre projet en une ou deux phrases et écrivez-le sur un papier. Par exemple : « je veux me mettre à l’italien (spécifique), avec pour objectif de pouvoir tenir une conversation simple sur des sujets familiers, soit un niveau A2 (mesurable), le tout en l’espace d’un an (temporellement défini). J’irai en cours deux fois par semaine, réviserai mon vocabulaire avec des cartes flash et lirai des textes simples (atteignable). » Bien sûr, il faut que ce projet vous ait paru réaliste 😉
Si vraiment vous avez peur de vous décourager, affichez ce papier dans un endroit bien en vue : à côté de votre ordinateur, face à votre lit… A vous de choisir ! Ainsi, vous aurez régulièrement votre objectif sous les yeux et serez moins tenté de le mettre de côté.
Je vous conseille vraiment de prendre le temps de réfléchir à un objectif SMART. C’est l’affaire d’une dizaine de minutes, mais les bénéfices sont considérables sur le long terme : motivation plus forte, travail plus efficace et régulier.
Bien sûr, si vous avez des difficultés à fixer des objectifs solides, n’hésitez pas à m’en faire part, je répondrai à toutes vos questions !
Crédit photos : Judit Klein, Paula Naugle.
c’est très intéressant ce que vous dites merci je vais essayer de faire l’impossible de ma part
Bonjour, j’ai trouver cette méthode qui parle de 200 mots en deux semaines, question à vous professionnels des langue, quesque vous pensez de cette méthode qui n’est pas la même que la votre si je ne me trompe pas ?
Bien à vous
Jluc
http://methode-polyglottes.com/une-nouvelle-methode-d-apprentissage-des-langues/tb-sp-lp/?utm_source=taboola-hz&utm_medium=600×500&utm_term=andreamedia-larousse&utm_content=600x500_spioch2_tk5_18&utm_campaign=FR_SP_desk_out
Super cet article qui nous invite à mettre en forme des notions qui sont restées pour nous, élèves, un peu flou et ce d’autant plus que je n’ai jamais entendu un enseignant inviter ses élèves ou ses stagiaires à clarifier cet axe de l’apprentissage. Merci.
Bonjour, je vie en Thaïlande et souhaite apprendre le thaï. Mon objectif est d’être capable d’avoir une conversation de base avec la population ne parlant pas anglais pour les actes de la vie quotidienne, les achats, le restaurant, etc. Je pense utiliser la méthode Assimil qui m’a été recommandée . J’ai déjà appris d’autres langues, l’anglais et l’allemand mais étant émigré ici , il me semble respectueux pour les locaux de faire un effort pour apprendre un minimum leur langue. Je n’ai aucune idée du temps que ça va prendre.
Formidable Pierre,
Cet outil est très appréciable pour moi par le faite que devant l'immensité de la tâche (apprendre une langue, c'est pr la vie) il existe des petits buts, personnifiés, qu'on peut se satisfaire de réaliser.
Merci énormément
Alex