Par Pierre

7 septembre 2015

Comment acquérir une bonne intonation

Prenons le cas de figure suivant : depuis des mois, vous travaillez consciencieusement votre prononciation dans la langue que vous apprenez. Pour chaque mot qui vous pose problème, vous consultez sa transcription phonétique et écoutez un enregistrement audio. Normalement, votre accent devrait être excellent, au point de vous faire passer pour un locuteur natif de la langue. Malheureusement, ce n’est pas le cas et on vous identifie immédiatement comme étranger. Il vous manque encore quelque chose : une meilleure intonation.

L’intonation, parent pauvre de la prononciation des langues ?

En apprenant une langue étrangère, on tombe facilement dans le piège qui consiste à essayer de prononcer chaque mot parfaitement, sans chercher à comprendre comment ils s’articulent les uns par rapport aux autres.
Pourtant, ce que l’on appelle intonation prosodique est une composante essentielle de la prononciation d’une langue. Elle vient structurer le discours en lui apportant des nuances de sens, via le ton (hauteur de son) ou une mélodie particulière.
Pour illustrer ces concepts, prenons quelques exemples issus de notre bonne vieille langue française.

Le ton

En fonction du contexte, il est courant de donner à un mot particulier de la phrase une hauteur spécifique. Prenons trois exemples.

Nous partons samedi.
(pas d’inflexion particulière sur le mot « samedi »)

Nous partons samedi ?
(« samedi » est prononcé avec une intonation montante)

Nous partons samedi
(avec une intonation descendante forte)

Dans la première phrase, le locuteur donne simplement une information. Dans la seconde, il demande une confirmation par rapport à un élément de la phrase qui le surprend. Dans la troisième, il exprime sa déception par rapport à cet élément.

Cette notion de ton ne doit pas être confondue avec celle qui existe dans les langues tonales, comme le mandarin.
Dans nos exemples, un ton différent appliqué à un mot peut changer le sens de la phrase, jamais celui du mot lui-même. Dans les langues à tons, si vous prononcez mal le ton d’un mot, votre interlocuteur risque de croire que vous êtes en train d’utiliser un autre mot !

La mélodie de la phrase

Dans la langue orale, les phrases déclaratives, interrogatives et impératives sont souvent similaires. Seule une intonation particulière permet de les distinguer.

Déclaration
Tu viens au cinéma avec moi.
(légère intonation descendante en fin de phrase)

Question
Tu viens au cinéma avec moi ?
(intonation montante en fin de phrase)

Ordre
Tu viens au cinéma avec moi demain !
(intonation descendante brusque en fin de phrase)

L’intonation structure la phrase

Sans ces intonations différentes, il serait difficile de différencier ces phrases, qui présentent des nuances de sens tout de même assez importantes.
Ce qui est valable pour le français l’est aussi pour les autres langues, mais pas forcément de la même manière. Je trouve d’ailleurs le français globalement assez « plat », ce qui peut donner aux Français un accent assez monotone quand ils parlent des langues plus « rythmées ».

Par chance, les autres langues utilisent souvent des mélodies similaires à celles du français dans leurs phrases. Ainsi, l’interrogation est souvent marquée par une intonation montante en fin de phrase. En italien, c’est par exemple la seule manière de différencier une phrase déclarative d’une phrase interrogative.
Attention toutefois, car il peut y avoir des nuances assez fines. En finnois, l’intonation montante dans une question est moins marquée qu’en français : c’est un détail, mais il est nécessaire de le connaître pour se débarrasser de son accent français.

Ondes sonores
Une langue, c’est avant tout du son, avec son rythme et ses fréquences.

Comment améliorer son intonation dans une langue étrangère

Pour gagner une meilleure intonation dans la langue que vous apprenez, je vous recommande de vous entrainer à prononcer des phrases entières, le plus tôt possible dans votre apprentissage. Ne vous contentez pas des mots seuls, même si vérifier leur prononciation est toujours un excellent réflexe.

Une histoire d’accentuation

Lorsque vous vous trouvez face à une phrase, posez-vous toujours les deux questions suivantes : quelle est la mélodie de la phrase et quels sont les mots accentués ?
Ces mots accentués sont particulièrement importants dans des langues comme l’anglais et l’italien ; ils portent ce que l’on appelle accent de phrase. Chaque mot possède une syllabe accentuée qui porte l’accent tonique et la phrase elle-même comporte un ou plusieurs mots accentués qui portent l’accent de phrase. Cela fait beaucoup de choses à accentuer quand on n’a l’habitude que du français !

Faites des exercices de prononciation

Comme je l’ai évoqué plus haut, la meilleure manière de travailler son intonation reste de répéter des phrases entières. Pour ce faire, vous pouvez utiliser des supports issus de divers horizons : fichiers audio de votre méthode, chansons, vidéos…
Pour vous exercer, rien de plus simple : écoutez la phrase, repérez les éléments importants (mélodie, accentuations, tons), puis répétez-la jusqu’à obtenir un résultat proche de ce que vous entendez. Ce ne sera sans doute pas parfait du premier coup, mais en prenant très tôt cette habitude, votre intonation s’améliorera au fil du temps. Duolingo propose d’ailleurs un exercice de prononciation orale, où vous devez écouter puis répéter une phrase en vous enregistrant.

Pour aller plus loin, vous pouvez ensuite vous entraîner à parler en même temps que l’enregistrement audio, ce qui vous forcera à adopter exactement le rythme de la phrase. C’est quelque chose que je fais souvent avec les dialogues de la méthode Assimil, mais rien ne vous empêche d’utiliser un autre support audio.
Si vous avez l’âme musicienne, vous pouvez même vous entraîner à chanter en écoutant une chanson de votre choix. Difficile de faire mieux pour saisir le rythme et la musicalité propre à une langue.

Exagérez sans complexe

Je remarque souvent que si les Français n’ont pas une bonne intonation dans les autres langues, c’est tout simplement parce qu’ils n’osent pas le faire. Ils croient à tort que le fait d’adopter l’intonation propre à une langue est une exagération qui leur donnera l’air idiot ou prétentieux.
Cette timidité bien française s’accommode assez mal avec des langues qui accentuent franchement certaines parties de la phrase. Prononcées « à la française », elles perdent toute la musicalité qui fait justement leur charme.

Si vous êtes dans ce cas, dites-vous que personne n’y fera attention et que l’exagération n’est pas forcément un mal. Elle vous permettra, à force d’expérimentations, de trouver la bonne intonation. Ensuite, peut-être avez tout simplement l’impression d’exagérer, alors que ce n’est pas le cas. Souvenez-vous que le français est caractérisé par une intonation plutôt plate : si vous apprenez une langue à l’accent chantant, il faudra inévitablement en faire plus !

Récoltez des avis

La prononciation d’une langue étrangère est un art délicat et il est parfois difficile de reconnaître certains sons, car notre oreille n’est pas habituée à les entendre. En cas de doute, n’hésitez pas à solliciter l’avis de locuteurs de la langue, si vous en connaissez. Ils sauront vous dire si la manière dont vous prononcez les phrases leur semble naturelle.
Attention toutefois, si ce n’est pas le cas, ils n’auront pas forcément suffisamment de recul pour vous dire ce qui cloche. La meilleure solution reste de s’adresser à votre professeur si vous apprenez la langue dans le cadre d’un cours.

Enregistrez-vous

Voici un moyen intimidant mais redoutable de contrôler vos progrès à l’oral. Prenez un micro et enregistrez-vous en train de prononcer une phrase pour laquelle vous avez un fichier audio. Ainsi, vous pourrez comparer votre enregistrement à celui qui vous sert de référence.
L’autre avantage de l’enregistrement est le fait de pouvoir récolter l’avis de personnes habitant loin de chez vous, simplement en leur envoyant le fichier.

Un logiciel qui vous simplifiera la vie

Pour réaliser les exercices que je vous ai présentés plus haut, je vous recommande le logiciel Audacity, qui a le mérite d’être gratuit et simple d’utilisation. Auparavant, j’utilisais VLC, mais j’ai fini par le trouver trop limité pour l’usage que je voulais en faire.

Logo d'Audacity

Utiliser Audacity pour apprendre les langues

Audacity étant un logiciel d’édition et d’enregistrement, il permet d’afficher le spectre sonore présent dans un fichier. C’est très utile dans la mesure où vous pouvez ainsi visualiser le son, voir où les phrases commencent et se terminent, mais aussi quels mots sont plus ou moins accentués.

Grâce à l’outil de sélection, vous avez la possibilité de placer un marqueur en cliquant sur l’enregistrement, qui vous permettra de reprendre la lecture à partir de ce point, simplement en cliquant sur lecture (le triangle vert).
Avec le même outil, vous pouvez également isoler une plage de la durée de votre choix, pour travailler dessus au détriment du reste. Cette fonction est très utile si vous souhaitez écouter plusieurs fois la même phrase, pour la répéter ou encore pour la recopier sous la dictée.

Audacity - langues étrangères
Vue du logiciel Audacity avec un fichier audio. La bande gris sombre est une plage que j’ai choisi d’isoler pour la travailler à part.

Enfin, Audacity vous permet de vous enregistrer. Si vous aviez besoin d’un logiciel pour le faire, ne cherchez pas plus loin. Vous pouvez même vous enregistrer en train de prononcer une phrase présente dans votre fichier audio, puis comparer votre enregistrement à l’original. En visualisant le spectre sonore, vous verrez vite si vous avez le bon rythme et si vous placez l’accent de phrase au bon endroit.

Conclusion : phonétique et intonation, le mélange gagnant

Pour acquérir une excellente prononciation dans une langue étrangère, vous devez donc travailler sur deux échelles différentes : à l’échelle du mot grâce à la phonétique et à l’échelle de la phrase grâce à l’intonation. De cette manière, vous obtiendrez un accent crédible, où chaque mot correctement prononcé vient s’insérer dans un phrasé qui semble naturel.
Acquérir un accent proche de celui d’un locuteur natif et débarrassé des influences de notre langue maternelle est en revanche extrêmement difficile. Pour y parvenir, de longues années de travail sont nécessaires, je vous déconseille donc de vous fixer cet objectif dans un premier temps. En attendant, vous avez à présent toutes les clés pour obtenir la meilleure prononciation possible, dès les premiers mois de votre apprentissage.

Crédit images : Elvert Barnes, Wendy J. Bush.

Pierre

Fondateur du Monde des Langues, j'aide les passionnés de langues à devenir plus autonomes et à atteindre leurs objectifs. J'ai eu l'occasion d'apprendre l'allemand, l'anglais, le finnois, l'italien et le japonais.

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  1. Coucou Pierre,

    Merci pour cet article. J’utilise aussi Audacity depuis un bout de temps pour m’enregistrer et c’est vraiment pas mal. Personnellement pour travailler ma prononciation j’écoute la radio ou des livres audio (le style est différent) puis je prononce les phrases et m’enregistre. Cela a le mérité d’être intéressant en même temps que de me faire travailler. Ceci étant dit, je pense qu’il est très important d’écouter avec une grande attention, de pratiquer l’écoute active. Mettre la radio en bruit de fond, pour moi, ça ne marche pas.

    Enfin, tu mentionnes rapidement en fin d’article la différence entre prononciation et accent. Je pense (un peu comme toi je suppose ?) que le « bon accent » n’est vraiment pas primordial. Il juste important d’avoir une bonne prononciation sans quoi la langue n’est pas « respectée » et son « intégrité » en prend un coup. Le mythe d’avoir un accent parfait, et de parler comme un natif, c’est possible, mais à mes yeux cela n’a qu’une utilité minimale.

    En tout cas, encore merci pour cet article. J’ai hâte de lire le suivant.

    1. Tu l’as compris : je ne suis pas adepte de l’accent « mimétique » à tout prix. Du moins, je le déconseillerais à ceux qui débutent dans une langue, c’est trop complexe et ambitieux.
      D’accord ensuite concernant l’écoute active : écouter la radio en faisant autre chose, ce n’est malheureusement pas suffisant. La dictée reste un bon exercice pour développer son écoute. Pas très marrant, mais efficace.

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