Garder sa motivation d’apprendre une langue : pourquoi faire compliqué ?

Par Pierre

11 février 2024

Le temps passe vite. Le Monde des Langues s’apprête à fêter sa première décennie d’existence, tandis que ma première expérience d’apprentissage remonte à plus d’une vingtaine d’années. Avec ce recul et six langues étudiées, je reste convaincu que le succès (ou l’échec !) d’un projet linguistique repose sur un seul ingrédient. Cet ingrédient, ce n’est pas un don ou une quelconque méthode miracle. Il est beaucoup plus simple et brut : la seule chose qui compte, c’est la motivation d’apprendre une langue. Voyons comment la garder intacte et toujours trouver du sens dans ce que vous faites.

La motivation d’apprendre une langue : ce prérequis indispensable

Etre formateur en langues n’est pas toujours de tout repos. On a parfois l’impression de se heurter à un mur, face à des apprenants qui recherchent avant tout des listes de vocabulaire toutes faites ou des techniques rapides pour retenir les verbes irréguliers et autres phrasal verbs anglais.

Ces éléments sont bien sûr essentiels : mots, expressions, structures de grammaire, phonétique… Ils forment l’ossature de toute langue. Mais, au risque de vous surprendre, ils ne sont pas une priorité. Il n’y a pas non plus de raison d’angoisser à leur sujet. Même si vous ne possédez pas de don inné, même si votre note de LV1 au bac est votre secret le plus honteux, vous finirez forcément par en venir à bout. Il y a cependant une condition : que vous ayez réellement la motivation d’apprendre une langue.

Un concept à ignorer… à vos risques et périls

Vous aurez peut-être une objection : « La motivation, je l’ai, je verrai ça plus tard », « Ça n’a aucun intérêt, je veux un cours »… J’en ai entendu une ribambelle. Cela ne change rien au fond de l’affaire : il existe une différence fondamentale entre les personnes qui ont fini par laisser tomber leur projet sans résultats probants, et celles qui arrivent aujourd’hui à parler leur langue préférée. Vous le devinerez sans mal : la motivation.

Un voyage au long cours

Depuis quelques années, la tendance est à l’apprentissage ultra-rapide. « Un niveau courant en trois mois », « Bilingue en six mois »… Inutile d’en dire plus, vous connaissez la chanson. Je vais devoir faire le rabat-joie : maîtriser une langue demande du temps. Laissez-moi vous donner un exemple très concret : après plus de six mois passés à batailler avec le grec moderne, je commence à être satisfait de mes progrès. Mais un niveau courant ? Restons sérieux…

Peut-on parler d’échec ? Bien au contraire ! C’est le cours normal des choses. Alors si vous avez l’impression de ne pas être à la hauteur de certaines promesses délirantes, rassurez-vous : vous n’êtes pas plus « nul en langues » qu’un autre. Vous avez besoin de temps, tout simplement.

Oui, votre voyage sera long. Mais chaque pas que vous ferez vous rapprochera de votre destination.

Le grand frisson des débuts

Dans ces conditions, garder votre motivation d’apprendre une langue n’est pas toujours simple. Au début, bien sûr, votre motivation sera toujours au beau fixe. C’est l’effet « tout nouveau, tout beau ». Comment ne pas être rempli d’enthousiasme quand vous prenez la décision de vous lancer dans ce parcours ? Comment ne pas avoir les yeux qui brillent quand vous rentrez d’un magasin avec les bras chargés de manuels et cahiers d’exercices flambant neufs ?

Cette période peut être vue comme une « lune de miel ». Elle est particulièrement propice à vos premiers pas auprès de cette nouvelle langue, car tout est encore nouveau, passionnant. Il y a toutefois un revers à cette médaille : les apprenants débutants sont alors peu ouverts aux discours sur la motivation. Pire : ils ont tellement envie de bien faire qu’ils n’hésitent pas à « charger la mule ». J’ai souvent entendu mes élèves annoncer qu’ils pourraient sans problème travailler jusqu’à cinq heures par jour.

L’effet « tout nouveau, tout beau » est un puissant levier de motivation. Mais il ne dure pas.

Votre motivation, une ressource limitée

Problème : une telle charge de travail ne résiste pas longtemps à la réalité du quotidien. Très vite, l’enthousiasme des débuts retombe, au fur et à mesure que les progrès se tarissent. Là aussi, c’est tout à fait normal.

Prenons un cas de figure : vous êtes débutant et vous connaissez cinquante mots dans votre langue cible. Pour doubler votre vocabulaire, il vous suffit d’en ajouter cinquante de plus. Avec les expressions de base (« bonjour, au revoir, je m’appelle… »), on y arrive très vite. Mais quand vous connaissez déjà 5 000 ? C’est une autre paire de manches.

Comme à peu près tous les domaines, l’apprentissage d’une langue présente des rendements décroissants. Plus vous en ferez, plus vos résultats seront maigres. C’est la règle, alors autant l’accepter d’emblée. C’est d’ailleurs un fait que certains « vendeurs de rêve » se garderont bien de vous dévoiler. Et c’est bien dommage, car elle n’est pas si terrible.

Une vision lucide de votre apprentissage

Ce que je viens d’écrire ne sera peut-être pas une nouveauté pour vous. Mais qu’importe, il est nécessaire de le rappeler pour partir sur de bonnes bases. Car c’est en ayant des attentes mesurées que vous pourrez vous fixer des objectifs réalistes. Ces derniers seront à la base de votre réussite.

Des objectifs de qualité pour des résultats de qualité

Vous ne le saviez peut-être pas, mon cursus comprends une formation en gestion de projet. J’en ai retiré quelques tics, dont une tendance à considérer tout ce que je fais comme des projets, avec un début, une fin et des actions à accomplir entre les deux.

Cette vision peut sembler contraire à un principe intemporel : on n’a jamais vraiment fini d’apprendre une langue. Eh oui, même sa langue maternelle ! Cela étant dit, il est tout à fait possible de segmenter votre apprentissage sous la forme de grands jalons. Par exemple : vos trois premiers mois pour atteindre les bases, six mois pour se préparer à un examen…

Entre le début et la fin de cette période, vous n’aurez plus qu’à choisir des ressources de qualité et les exploiter efficacement, chaque jour, pour atteindre votre objectif. Cette vision très terre-à-terre a un avantage de taille : vous libérer de la vision idéalisée de la motivation.

Du démarrage explosif à la vitesse de croisière

Savez-vous quand un avion consomme le plus de carburant ? Au décollage et à l’atterrissage. Entre ces deux étapes, beaucoup moins. Pour les langues, le principe est le même : vous aurez besoin d’énormément de motivation au début, puis beaucoup moins par la suite.

C’est surtout au début de votre parcours que vous aurez besoin d’une forte impulsion pour démarrer.

Cela tombe bien : comme nous l’avons vu, il est facile d’être très motivé au départ. C’est ensuite que les choses sérieuses commencent. Et c’est souvent durant cette période de transition que les apprenants finissent par se brûler les ailes.

Le pouvoir des habitudes

Il vous est sans doute arrivé de penser que vous n’aviez pas assez de temps pour apprendre une langue. Si la gestion du temps est un vaste sujet dont nous n’avons pas fini de parler, disons juste qu’il est normal d’être très pris au jour le jour. Entre la famille, les amis, le travail, les études, les loisirs, les langues peuvent avoir du mal à trouver une place.

S’il est possible de se libérer un peu de temps en éliminant certaines activités chronophages (comme le fil d’actualité Facebook ou le flux de vidéos TikTok), difficile de faire plus. D’où l’intérêt d’avoir des routines d’apprentissage efficaces : vous augmenterez votre contact avec votre langue cible, sans y passer plus de temps.

Habitudes contre motivation

De plus, les habitudes ancrées demandent peu de motivation. Avez-vous vraiment besoin de ressentir une passion dévorante pour vous brosser les dents après chaque repas ? Permettez-moi d’en douter. Vous le faites mécaniquement, sans trop vous poser la question. Mieux : si vous ne le faites pas, vous ressentirez très vite un manque.

Il est difficile d’employer des termes tels que « routine » ou « discipline » sans passer pour quelqu’un de sinistre. Vous saisirez cependant l’idée : avec de bonnes routines d’apprentissage et, oui, avec une certaine discipline, vous réussirez à ouvrir votre manuel chaque jour pour attaquer une nouvelle leçon, sans vous questionner sur votre motivation.

Comment prendre de bonnes habitudes

Il n’est certes pas évident d’acquérir des habitudes solides si vous n’avez jamais appris de langue par vous-même. Pour y arriver rapidement, rien de plus simple : faites-en un peu chaque jour, si possible sans exception. C’est ainsi que vous développerez des automatismes.

A chaque jour du calendrier, sa révision.

Si la régularité n’est pas votre fort, vous pouvez utiliser des applications comme Duolingo, qui vous incitent à les utiliser chaque jour. Au bout de quelques semaines, vous finirez forcément par prendre le pli.

Ensuite, il est important d’avoir de bonnes techniques d’apprentissage. Sur ce blog et dans les formations, je vous fournis régulièrement des activités ciblées pour rendre chaque session plus fructueuse. Autant d’exercices qui vous permettront de développer de manière équilibrée tous les grands axes d’une langue étrangère : vocabulaire, grammaire, compréhension orale, prononciation…

Ces outils pratiques constituent l’une des raisons pour lesquelles il devient de plus en plus facile d’apprendre de nouvelles langues : vous pouvez les transposer d’une langue à l’autre, pour des progrès de plus en plus rapides.

Apprendre une langue, oui, mais pour quoi faire ?

Ces considérations sont essentielles si vous souhaitez conserver la motivation d’apprendre une langue. Mais elles ne seront rien sans une envie, un feu sacré, qui vous poussera chaque jour à « remettre votre ouvrage sur le métier », pour paraphraser Boileau.

Une envie toute personnelle

Cette envie, personne ne la trouvera à votre place. Alors posez-vous une question simple : pourquoi apprenez-vous cette langue ? Demandez-vous ce que vous avez à en retirer et pourquoi vous vous consacrez à cette activité plutôt qu’à une autre. C’est vrai, après tout : il est plus simple et potentiellement plus gratifiant de ne pas le faire. Au lieu d’investir du temps et de l’énergie dans vos révisions, vous pourriez faire d’autres choses moins exigeantes. Pourquoi faire de l’écoute ou de la traduction, quand on peut simplement aller se balader ou jouer à un jeu vidéo ?

Autrement dit, vous devez en avoir quelque chose à faire (pour rester poli). On peut même aller plus loin : vous devez avoir un manque dans votre vie, que la maîtrise de cette langue viendra combler. Ne pas la comprendre, ne pas savoir l’employer doit représenter une frustration intolérable.

Ce besoin doit absolument être personnel. A quoi bon vous donner la peine d’atteindre un objectif si celui-ci n’a strictement aucune valeur à vos yeux ? Votre raison d’apprendre une langue vous appartient et ne convaincra pas forcément d’autres personnes. Et c’est très bien ainsi. N’essayez même pas de vous lancer dans l’aventure parce que « cette langue a beaucoup de locuteurs » ou pour « ajouter une ligne sur le CV ». Ces raisons, aussi enthousiasmantes qu’un filet d’eau tiède, ne vous fourniront pas le carburant dont vous avez besoin.

Sans feu sacré, pas de maîtrise d’une langue.

Le plaisir du quotidien

Votre motivation d’apprendre une langue est bien en place ? Félicitations ! Vous avez déjà une très bonne base. Encore faut-il confronter cette envie à vos journées bien fatigantes. Je souhaiterais attirer votre attention sur un point : s’il est indispensable d’avoir des objectifs ambitieux, il est tout aussi important de prendre plaisir à vos révisions.

On a vite fait de l’oublier, mais un apprentissage ne consiste pas en un long chemin de croix avant une hypothétique récompense. Chaque séance quotidienne, prise de manière isolée, doit vous apporter une réelle satisfaction. C’est le principe des motivations « extrinsèque » et « intrinsèque ». Comme leur nom l’indique, les facteurs de motivation extrinsèque sont externes : il peut s’agir de récompenses (réussite à un examen, promotion…) ou d’évitement d’un résultat négatif (comme vous retrouver isolé dans un pays dont vous ne parlez pas la langue). A l’inverse, la motivation intrinsèque se passe de récompense et implique de trouver du plaisir dans l’action elle-même.

Donc laissez-vous porter par le goût de la découverte : chaque contact avec votre langue cible peut être perçu comme un moment privilégié plutôt qu’une contrainte. Votre apprentissage aura tôt fait de se transformer en une véritable passion. Si vous arrivez à trouver du plaisir même dans des tableaux de grammaire, alors plus rien ne pourra vous arrêter.

Motivation d’apprendre une langue : en fin de compte, c’est si simple

Nous pourrions continuer longuement sur ce sujet, mais à quoi bon ? Garder la foi année après année peut ressembler à une tâche insurmontable, mais dans les faits, il n’en est rien. Amusez-vous. Considérez vos langues comme un terrain de jeu et d’expérimentation. Au lieu d’être un travail, l’apprentissage deviendra vite votre passe-temps favori. Garder sa motivation d’apprendre une langue, ce n’est pas bien compliqué.

J’espère que ce retour d’expérience vous aura plu. Chaque personne possède ses raisons intimes pour se lancer dans un tel voyage. Qu’il s’agisse d’un pur intérêt linguistique, d’un amour pour une culture ou encore d’une envie de voyager, à vous de trouver vos propres sources d’intérêt. Pour finir, n’hésitez pas à partager votre motivation d’apprendre une langue dans les commentaires !

Pierre

Fondateur du Monde des Langues, j'aide les passionnés de langues à devenir plus autonomes et à atteindre leurs objectifs. J'ai eu l'occasion d'apprendre l'allemand, l'anglais, le finnois, l'italien et le japonais.

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  1. Oui !! la motivation est importante pour ne pas perdre de vue l'objectif.

    J'ai appris le français il y a une vingtaine d'années et c'est vrai que je continue à apprendre. Ma motivation a commencé vers l'adolescence, je trouvais magique d'entendre des langues étrangères et en même temps frustrant de ne pas les comprendre.

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