Par Pierre

9 mars 2016

Pour réussir un apprentissage doit être varié

L’apprentissage des langues fait l’objet des débats les plus enflammés quant à l’art et la manière de procéder. C’est vrai, après tout : comment fait-on, au juste, pour passer de l’ignorance totale au bilinguisme ? Les réponses à cette question seront aussi nombreuses que variées et vous en viendrez vite à la conclusion qu’il n’existe pas une bonne manière d’apprendre une langue étrangère, mais des dizaines. Loin de les ignorer, vous avez au contraire tout intérêt à les combiner pour rendre votre projet à la fois riche et solide.

Pour aboutir, votre projet doit être équilibré

Quelle est la différence entre un bon et un mauvais apprentissage ? Il s’agit tout simplement des résultats obtenus par rapport au travail fourni. Ainsi, à effort égal, un apprentissage de qualité portera plus ses fruits qu’un apprentissage médiocre.
C’est pour cette raison qu’il est possible de sortir du lycée en étant incapable de parler une langue qu’on a pourtant étudiée pendant sept ans et, à l’inverse, d’atteindre un niveau très honorable en à peine un an.

Travailler beaucoup contre travailler bien

J’en parlais dans mon article sur les Français et les langues, nous n’avons pas encore dépassé la vision du travail comme une souffrance nécessaire. Il est possible de beaucoup travailler sans obtenir le moindre résultat tout simplement parce qu’on s’y prend mal.
Dans mon guide Les Quatre Piliers pour apprendre les langues, je présente les quatre éléments essentiels du langage humain : l’écoute, l’expression orale, la lecture et l’écriture. Ces quatre piliers se répondent et se complètent et en négliger un revient à affaiblir les trois autres.
De la même manière, trop vous concentrer sur l’un des aspects de la langue au détriment des autres vous desservira : à quoi bon apprendre à écrire des centaines de mots si vous ne savez pas les prononcer ? Pourquoi mémoriser par cœur des règles avancées de conjugaison si vous ne connaissez que quelques verbes ?

Vous devez considérer votre apprentissage comme un tout, un système cohérent dont les éléments fonctionnent de concert, comme un orchestre qui formerait une harmonie d’ensemble.

Si jamais vous vous trouvez dans cette situation délicate où vous apprenez une langue depuis des années sans résultat probant, ce n’est absolument pas une raison pour vous décourager, peut-être est-il simplement temps de réévaluer votre méthode de travail.

Le piège d’un apprentissage trop pauvre

Comme je le dis dans ma dernière vidéo, j’entends souvent des remarques telles que « j’apprends une langue sur Duolingo » ou « les méthodes ne fonctionnent pas, il est impossible d’apprendre une langue avec Assimil ». Si je respecte ces points de vue, je pense qu’ils ont tous en commun l’écueil suivant : la croyance selon laquelle il existerait un type de ressource efficace, par opposition à d’autres qui, en toute logique, ne le seraient pas.

Pris isolément, aucun support ne vous garantira un apprentissage complet de votre langue cible. Aucun. C’est d’ailleurs ce qui m’a amené à penser que, seuls face à une méthode ou en groupe devant un professeur, nous restons tous des autodidactes. Si vous avez fait des études de langues, vous aurez sans doute remarqué que les étudiants ayant atteint le plus haut niveau de maîtrise étaient ceux qui s’étaient le plus investis dans, mais aussi et surtout en dehors des cours. Au risque de provoquer quelques grincements de dents, j’ose affirmer qu’assister à des cours ne suffit pas à maîtriser une langue. Aller de la première à la dernière page d’une méthode ne garantit pas non plus le succès.

De l’insuffisance à l’abondance

Je suis peut-être pessimiste, mais je considère qu’un apprentissage basé sur un unique support est pauvre et n’a que peu de chances d’aboutir. Pour réussir, vous devrez varier autant que possible les formats et les expériences.
C’est en multipliant les contacts avec votre langue cible que vous parviendrez à vous créer une bulle d’immersion au quotidien. Lorsque vous partez vivre dans un pays, vous n’apprenez pas uniquement sa langue via un cours ou une méthode, même s’il peut être utile de passer par de tels supports, vous le faites à travers un ensemble de canaux très différents les uns des autres : étiquette sur un produit de supermarché, achat d’un titre de transport, menu dans un restaurant, panneau indicateur, émission de télévision…
C’est cette multiplicité d’expériences que vous devez rechercher. Evidemment, toutes les activités ne se valent pas, passons donc en revue celles qui sont le plus à même de vous faire progresser.

Apprentissage varié et équilibré
Votre projet doit être à l’image d’un bon régime alimentaire : varié et équilibré.

Quelles activités pour quels besoins

Entrons à présent dans le vif du sujet, avec un panorama des activités sur lesquelles vous pouvez vous appuyer pour progresser dans votre langue cible.

Lecture

  • Livres : romans, bandes dessinées, essais, recueils de poèmes, il y en a pour tous les goûts. Je n’ai jamais trouvé les livres bilingues particulièrement utiles, car il me semble difficile de se concentrer sur deux versions d’un même texte à la fois.
  • Journaux : certains journaux proposent une actualité réservée aux enfants voire aux étrangers sur leur site. Ce peut être une bonne occasion de suivre l’actualité du pays dans un langage qui reste accessible.
  • Sites Internet sur une thématique qui vous intéresse.
  • Même chose pour les blogs : il m’arrive d’ailleurs régulièrement de consulter des blogs non francophones (en anglais, italien, allemand…) sur l’apprentissage des langues. S’il en existe dans votre langue cible, pourquoi ne pas en faire de même ?
  • Jeux vidéo : certains jeux contiennent beaucoup de textes et de dialogues et ont l’avantage d’être très immersifs.

Ecriture

  • Messagerie instantanée (Skype, Facebook, HelloTalk…).
  • Commentaires sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube) et les sites possédant cette fonctionnalité.
  • Messages classiques : par exemple des e-mails ou pourquoi pas de bonnes vieilles lettres ?
  • Rédaction de texte : le site Lang-8 est très bien fait, car il vous permet de soumettre vos textes pour qu’ils soient corrigés par des locuteurs natifs.
  • Blogging : cette astuce ne parlera pas à tout le monde, mais il pourrait être intéressant de créer un petit journal en ligne sur lequel vous tenez votre entourage au courant de vos avancées, avec des passages rédigés dans la langue.

Ecoute

  • Films et séries en VO : l’utilisation ou non de sous-titres fait l’objet de débats particulièrement âpres. Ils peuvent être utiles dans certains cas, mais pour travailler au mieux votre écoute, il vaut mieux vous en passer.
  • Radio et podcasts : la radio peut être particulièrement difficile à suivre du fait du débit élevé des présentateurs. Les podcasts ont l’avantage de pouvoir être écoutés à n’importe quel moment et certains sont spécialement conçus pour les débutants dans la langue.
  • Livres audio : le pendant audio des romans. Il peut être intéressant de combiner un roman avec le livre audio qui lui est associé. Les poèmes récités sont également une bonne option.
  • Chansons : rien de tel qu’un refrain accrocheur pour retenir une phrase. Attention cependant, toutes les chansons ne se prêtent pas à l’exercice, avec une voix plus ou moins audible au milieu de la musique.

Expression orale

  • Conversation : en face-à-face ou par ordinateurs interposés, la conversation dans une langue étrangère reste un exercice essentiel.
  • Répétition : lorsque j’utilise une méthode, j’écoute puis répète chacune des phrases que j’entends. Cela me permet d’intégrer peu à peu la prononciation des mots et l’intonation des phrases. Lorsque je connais suffisamment le texte, je repasse l’audio une dernière fois et je le lis en même temps que l’acteur. Cette technique est appelée shadowing par les Anglo-Saxons.
  • Chant, poésie, théâtre : le monde des chanteurs de musique classique abrite un grand nombre de polyglottes, qui ont appris du grec et du latin pour le chant religieux et de l’italien et de l’allemand pour l’opéra. Si vous aimez chanter, c’est un excellent moyen de développer votre oral. La poésie orale ou le théâtre sont d’autres options à considérer.

Cette liste n’a pas vocation à être exhaustive : il existe sans doute de nombreuses autres activités plaisantes qui trouveront naturellement leur place dans votre quotidien. A vous de les trouver.

Pour rester motivé, faites ce que vous aimez, dans une autre langue

Maintenant que vous avez une sélection d’activités à réaliser au quotidien, il ne vous reste plus qu’à les organiser en fonction de vos goûts et de vos envies. Si l’une de ces tâches vous déplaît, eh bien ne la faites pas. Tout simplement. Vous ne tiendrez pas sur la durée en vous forçant à faire des choses qui n’ont pas de sens pour vous.

Comment garder un apprentissage équilibré

Dans cette composition de votre « menu », veillez tout de même à ce que ce dernier reste équilibré. Il ne vous viendrait pas à l’idée de manger un repas uniquement constitué de desserts ; pour les langues, c’est la même chose.
De manière générale, faites en sorte que les quatre piliers soient respectés (pour rappel : lire, écrire, écouter et parler) et identifiez les activités qui peuvent être remplacées ou qui, au contraire, sont indispensables. Par exemple, un film se substituera facilement à une série télévisée, mais je déconseille formellement de ne regarder que des films au lieu de pratiquer l’oral.

Utilisez ce que vous apprenez, tout le temps

Bien souvent, je vois des apprenants entasser du vocabulaire et des règles de grammaire comme autant de trophées qui prennent la poussière sur une étagère. Procéder de la sorte revient à faire l’erreur d’appréciation suivante : apprendre de manière passive pendant des mois et des années puis, un jour, lorsqu’on se sent prêt, commencer à parler.
Le verdict sera généralement sans appel : vous vous retrouverez incapable d’articuler une phrase correcte, avec le coup au moral que cela suppose.

Bouche fermée
Ne pas réussir à parler : un écueil redoutable mais qui peut être facilement évité.

Pour enfoncer le clou, laissez-moi faire une analogie avec le développement de produits : lorsqu’elles se lancent dans un tel projet, les entreprises n’attendent pas l’étape de la commercialisation pour se confronter à leur public, au risque de subir un échec cinglant. Elles élaborent des prototypes, organisent des focus groups, font de la promotion avec plusieurs mois d’avance et étudient les réactions…
Si notre domaine est totalement différent, le principe est le même : à chaque stage de votre apprentissage, vous devez réutiliser ce que vous venez d’apprendre. C’est pour cette raison que, chez certaines personnes, même des techniques efficaces comme la répétition espacée ne fonctionnent pas entièrement : le travail n’est fait qu’à moitié. Pour ancrer définitivement une expression dans votre mémoire, vous devez la mémoriser et la réutiliser activement dans des contextes variés. Votre apprentissage se fait par couches ou plutôt par itérations successives et il doit être actif dès le premier jour.

Faites-vous plaisir et réemployez vos acquis récents, principalement dans vos conversations avec des locuteurs natifs. N’ayez pas peur d’utiliser des mots de manière un peu incongrue, vous êtes là pour pratiquer la langue et vos interlocuteurs le comprendront. Si vous venez de découvrir le terme « hélicoptère » dans votre langue cible, utilisez-le, même si les hélicoptères ne font pas vraiment partie de votre quotidien !

Créez votre système et perfectionnez-le sans cesse

Si j’ai écrit cet article, c’est pour vous sensibiliser au fait que l’apprentissage d’une langue étrangère est un système complet à personnaliser en fonction de vos goûts et de vos habitudes. Ce qui fonctionne pour moi ne fonctionnera pas nécessairement pour vous et vice versa.
A force d’essais et d’expérimentations, vous finirez par élaborer une routine de travail correspondant à vos besoins et que vous pourrez par la suite appliquer à n’importe quelle langue. C’est donc un investissement sur le long terme, que je vous encourage vivement à faire pour rendre votre apprentissage à la fois plus plaisant et plus efficace.

Source des images : Ian Boggs, wsilver, Soumyadeep Paul.

Pierre

Fondateur du Monde des Langues, j'aide les passionnés de langues à devenir plus autonomes et à atteindre leurs objectifs. J'ai eu l'occasion d'apprendre l'allemand, l'anglais, le finnois, l'italien et le japonais.

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  1. Que j’apprécie et soutiens votre affirmation rappelant qu’on ne peut se contenter des cours pour apprendre une langue!!! Et aussi votre remarque concernant la brutale déconvenue de ceux qui ont cru qu’une montagne de vocabulaire les mettrait en état de soutenir une conversation!!!
    On pourrait nuancer un tout petit peu et considérer que selon les objectifs telle ou telle peut devenir moins importante (encore que… a) sait-on ce qui sera utile à deux ans? b) l’apprentissage actif mobilise bien sans doute toutes les compétences.
    Un petit regret… Votre silence sur le jeu: en classe, en dehors de classe, pour les adultes et les étudiants autant que pour les enfants…
    Mais peut-être en parlerez-vous une autre fois?

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